CITATION / INSPIRATION
LE DERNIER NÉANDERTALIEN
LUDOVIC SLIMAK
“Et si c’était cette irrationalité-là qui définissait vraiment, parfaitement, la matière humaine ? L’humain ne serait ni l’outil, ni la bipédie, ni la pensée, ni l’altruisme, mais notre capacité à créer un monde qui ne connaît aucun écho évident dans les lois naturelles. Notre capacité à retourner la réalité du monde, à basculer les lois de la nature afin de les assujettir, totalement, à notre regard. Irrationnel, bien sûr. « Le coeur a ses raisons que la raison ne connaît pas » ne définirait pas le coeur, mais la matière humaine, dans sa totalité. Dans sa profondeur. Dans sa globalité. En réalité, ce n’est ni le coeur ni Dieu dont Pascal nous parle, mais de notre nature la plus profonde. Notre structure d’Être humain. L’humain qui a ses raisons que la raison ne connaît pas. Et c’est ce chavirement de nos pensées, cette contrainte de nos créations sur toute réalité objective qui nous définit, totalement, en chaque instant. Mais d’où vient alors cette nature humaine ? Où donc dans les millions d’années qui nous ont précédés, apparaîtrait ce trait de l’irrationalité, cette volonté de faire ployer le réel sous la seule force de nos imaginaires ? Tout cela ne serait-il pas tout simplement la marque originelle de ce que nous sommes ? Notre vrai, notre seul péché originel ? N’avons-nous pas dans la création du premier des premiers outils, il y a plus de 3 millions d’années, la marque irrationnelle d’une certaine volonté. Un désir. Une envie. Envie de transformer le monde pour en faire un autre chose. Tranchant. Différent. Une autre réalité, surgissement de l’esprit dans la matière. Fruit de la confrontation du regard contre la réalité. Et c’est bien le regard qui a abattu l’ordre du monde et contraint la nature dans une autre chose. Un nouvel état.”